C’est une réforme qu’attendent nombre d’assureurs. Bercy prépare actuellement une modification du Code des assurances, qui leur permettra dans un proche avenir d’accorder plus facilement des prêts aux entreprises. Ce projet « part du constat qu’il n’y a pas en France de problème sur le montant de l’épargne, mais plutôt sur son allocation », indique-t-on dans l’entourage de Pierre Moscovici. Trop d’épargne se dirige vers les placements de précaution (contrats d’assurance-vie en euros, Livret A, etc.), pas assez vers les entreprises. Les assureurs tendent eux aussi à se détourner des actions pour des raisons prudentielles et cherchent à diversifier leurs sources de rendement. D’où leur intérêt croissant pour le segment des placements privés en euros, c’est-à-dire le financement bilatéral d’entreprises de taille intermédiaire, via des prêts ou des obligations.
Sans empêcher ce type de placement, la réglementation actuelle ne leur facilite pas la tâche. « Des prêts en direct aux entreprises ne sont autorisés que pour les sociétés cotées, ce qui exclut en bonne partie les entreprises de taille intermédiaire, reprend Bercy. I l est aussi possible pour un assureur d’investir dans des titres émis par un fonds de prêts (comme par exemple un fonds commun de titrisation) mais ces titres doivent être négociés sur le marché. » Le texte, soumis pour avis au Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) et à l’Autorité des normes comptables(ANC), propose de faire disparaître ces deux contraintes. Le décret pourrait être publié à la fin du mois de juin et le gouvernement table sur des premiers prêts dans le courant de l’automne.
Ces nouvelles libertés seraient tout de même limitées : les assureurs ne vont pas se transformer en banques. En premier lieu, leurs capacités d’intervention globale ne devraient pas dépasser 5 % de leur bilan et aucune exposition à une contrepartie ne pourrait dépasser 1 %. Selon Bercy, sur un encours total de 1.400 milliards d’euros d’assurance-vie, jusqu’à 90 milliards pourraient ainsi être dirigés vers les entreprises. Ensuite, les assureurs devraient aussi respecter des critères de qualité pour qu’un prêt soit éligible. « Pour un prêt en direct, une approbation de l’Autorité de contrôle prudentiel sera nécessaire, tenant compte notamment de l’adéquation du système d’analyse et de mesure des risques de crédit mis en place par l’assureur », poursuit-on à Bercy. Si l’assureur se sert d’un fonds de prêts, ce dernier devra être « monotranche » (c’est-à-dire qu’il ne sera pas découpé en tranches selon leur niveau de risque et ne présentera qu’un seul type de titres). Cela garantit, selon Bercy, une meilleure visibilité sur le contenu des dettes sous-jacentes et permet de ne pas mutualiser des niveaux de risque disparates. En outre, toujours pour plus de transparence, le fonds ne pourra pas être un fonds de fonds. Enfin, la valorisation des titres émis par le fonds et l’évolution du risque crédit devront être assurés par une société de gestion agréée.
A elle seule, cette mesure ne va pas couvrir l’ensemble des besoins des PME. Il s’agira de prêts à moyen terme (5 à 7 ans) ; les crédits de trésorerie, sur lesquels les PME connaissent des tensions, ne sont donc pas concernés. Par ailleurs, ces financements s’adresseront à des entreprises plutôt importantes, chaque « ticket » se chiffrant en millions d’euros. A terme, quelques centaines d’entreprises seraient donc concernées.