La tension monte à l’Agirc-Arrco. Après plusieurs mois passés à se jauger, les partenaires sociaux vont prendre à bras-le-corps la nécessaire réforme des deux régimes de retraite complémentaire des salariés, dont les réserves sont menacées d’épuisement dès 2018. Les discussions bilatérales s’achèvent ce vendredi, et la délégation patronale devrait envoyer ses propositions de réforme aux autres négociateurs durant le week-end de Pentecôte. Elles seront discutées lors d’une séance de négociation le 27 mai, avec pour objectif d’aboutir à un accord le 22 juin. Claude Tendil, le représentant du Medef, a laissé entendre que des prolongations seront possibles.
Au vu des derniers échanges, les syndicats s’attendent à ce que le Medef développe une ligne dure. Le patronat brandit les nouvelles hypothèses d’inflation du gouvernement, qui datent d’avril : les déficits de l’Agirc et de l’Arrco vont s’aggraver car la sous-indexation des pensions produira moins d’économies. Résultat, le besoin de financement combiné des deux régimes est désormais estimé à 6,7 milliards d’euros à l’horizon 2017, contre 5,5 milliards précédemment. Au Medef, on envisage le pire scénario, celui qui demande 8,2 milliards d’efforts : « La situation des régimes complémentaires s’aggrave au fil des mois, car la masse salariale progresse lentement, souligne un dirigeant . C’est la première fois en dix ans qu’on voit une telle modération des salaires. »
Raison de plus pour le patronat de pousser la mesure phare de son projet de réforme : les abattements temporaires sur les pensions versées entre 62 et 67 ans. Une mesure très efficace pour économiser des milliards d’euros rapidement. Le Medef avait présenté trois scénarios d’abattements décroissants avec le temps : la première année, la pension était amputée de 20 %, 30 % ou 40 %. Mais, ces derniers jours, il n’évoquait plus que le schéma à 40 %. De plus, la date de mise en œuvre a été avancée de 2019 à 2017. Enfin, les dérogations pour les retraités modestes et les carrières longues sont remises en question. Plusieurs syndicats s’étaient pourtant montrés ouverts sur les abattements : la CGC, la CFTC et la CFDT. Cette dernière travaille d’ailleurs sur l’hypothèse d’une décote de 10 % la première année.
Le Medef entend sans doute, stratégiquement, placer la barre assez haut avant les réunions décisives. D’autant qu’un autre dossier s’invite : le compte pénibilité. Déjà hérissé par un mécanisme qu’il qualifie d’« usine à gaz », le patronat s’inquiète de la facture qu’il risque d’engendrer pour l’Agirc-Arrco, via les départs anticipés. Le rapport du député Christophe Sirugue sur la simplification du dispositif devrait être remis mardi. Le Medef a prévenu Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales : si des aménagements substantiels ne sont pas faits sur la pénibilité (le patronat demande la suspension du décret), les salariés ayant obtenu des trimestres de retraite anticipée du fait d’un travail pénible risquent de ne pas pouvoir en profiter. Car il n’y aura pas d’aménagement de l’âge des abattements temporaires pour eux à l’Agirc-Arrco.
« Chantage ! » répond un syndicaliste outré. « C’est une manipulation, car la pénibilité, qui n’est pas rétroactive, ne coûtera quasiment rien aux régimes de retraite dans les trois ou quatre premières années », souligne un autre. Il n’empêche, la concomitance de ces deux dossiers explosifs accroît la tension.