L’intérêt grandissant des assureurs pour l’économie du partage se confirme. Nouvelle illustration, AXA doit annoncer ce lundi un partenariat avec le site français de covoiturage BlaBlaCar. Fin avril, Generali est devenu le nouvel assureur de OuiCar, un site français de location de voitures entre particuliers. Très active sur le sujet, la Maif vient, elle, d’investir 4 millions d’euros dans GuestToGuest, une plate-forme d’échange de maisons et d’appartements pour les vacances. En 2014, elle avait déjà pris une participation stratégique dans le site de location de voitures entre particuliers Koolicar, dont elle était aussi le partenaire assureur. Et le groupe niortais ne cache pas avoir d’autres projets.

Cet engouement n’est pas surprenant. Les assureurs peuvent en effet difficilement passer à côté d’une telle tendance de fond qui vient à la fois créer de nouveaux besoins de couverture et percuter leurs grands marchés traditionnels de l’automobile et de l’habitation, par ailleurs déjà saturés. De plus, ils ont naturellement toute leur place dans ce nouvel écosystème. « L’économie du partage repose sur la confiance. Les plates-formes collaboratives agissent comme des tiers de confiance et les assureurs apportent une caution supplémentaire. Il y a ainsi un effet de levier sur leurs taux de conversion quand elles peuvent s’appuyer sur un assureur », décrit Quentin Poizat, directeur e-commerce de Mondial Assistance France, la filiale d’ Allianz, qui sont les partenaires de Drivy, un site de location de voitures entre particuliers.

Alors que ce mouvement n’en est encore qu’à ses débuts, il s’agit pour les assureurs de prendre date. Sur le long terme, «  cela peut être un relais de croissance, car on sent une vraie appétence pour ce mode de consommation, surtout dans une période de crise », estime ainsi Tanguy Le Maire, chargé de la clientèle des particuliers chez Generali France. « Mais il ne faut pas confondre non plus l’arbre et la forêt, les flux et les stocks. Il y a 32 millions de véhicules individuels en France, et l’assurance automobile a encore de beaux jours devant elle », insiste-t-il.

 

Dans l’immédiat, le défi pour les assureurs est d’essayer d’apprécier au mieux les risques inhérents à l’économie du partage. «  Cela bouscule notre modèle, car la voiture peut être conduite par n’importe qui. L’originalité, ici, tient notamment à ce que le véhicule est assuré alternativement par deux contrats d’assurance : le contrat du propriétaire quand le véhicule n’est pas loué et le contrat de OuiCar quand il est loué ; si le locataire a un accident lorsqu’il conduit le véhicule, le bonus du propriétaire n’est pas impacté », explique Tanguy Le Maire. Mais, souligne-t-il , « il y a des règles de souscription précises qui permettent d’écarter certains risques », comme les véhicules transportant plus de 9 passagers, les permis de moins de deux ans ou les jeunes conducteurs.

L’affaire est d’autant plus compliquée pour les assureurs qu’ils ont dû se lancer sur ce marché sans avoir encore beaucoup de données ou de recul sur la sinistralité, étant donné le jeune âge des start-up de l’économie collaborative. « On appréhende encore difficilement la question du prix », reconnaît l’un d’eux. Nul doute, cependant, que les modèles de tarification vont s’affiner assez vite. 

Laurent Thévenin, Les Echos