C’est donc bien SCOR qui aura remporté l’affaire. Le groupe était présenté comme l’acquéreur potentiel le plus logique de Transamerica Re, la division américaine de réassurance vie mise en vente par le néerlandais Aegon. Au terme d’un processus complexe et relativement long – Transamerica Re n’étant pas une entité légale, les contrats étaient souscrits par des entités juridiques différentes -, les deux groupes ont finalement annoncé hier avoir conclu un accord à 630 millions d’euros (912,5 millions de dollars).
Hasard du calendrier, l’annonce de cette opération, saluée, dit-on, par le premier actionnaire de SCOR – le holding Patinex du financier Martin Ebner -, intervient une semaine avant le renouvellement des mandats de la plupart des administrateurs, à commencer par celui du PDG Denis Kessler. Candidat à sa propre succession, ce dernier serait, selon son entourage, « dans une logique de continuation, rendue très motivante par cette nouvelle perspective de croissance ».
Dans le détail, l’opération porte uniquement sur le portefeuille de réassurance du risque de mortalité de Transamerica Re, qui représente 2,2 milliards de dollars de primes brutes émises en 2010, dont 87 % aux Etats-Unis. Il ne s’agit pas d’une acquisition classique, mais de contrats de rétrocession « permanents » entre Aegon et SCOR Global Life US, auxquels s’ajoutent l’acquisition d’une filiale irlandaise d’Aegon, qui représente 340 millions d’euros de capital statutaire. Au total, Aegon transférera à SCOR 1,2 milliard d’euros (1,8 milliard de dollars) de passifs et d’actifs.
Pas d’augmentation de capital
Avec cette opération, qui en fait le deuxième réassureur vie aux Etats-Unis, SCOR marque plusieurs points. D’abord il fait honneur à sa réputation de groupe qui « dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit ». En septembre, lors de la présentation au marché du nouveau plan stratégique, Denis Kessler avait insisté sur la volonté d’accroître la diversification géographique, notamment vers les Etats-Unis, et de se renforcer sur son « deuxième moteur », la réassurance-vie, qui va ainsi croître de 50 %. Transamerica Re lui permet à cet égard de faire coup double. Fidèle à son « track record » récent (Revios et Converium), SCOR boucle en outre une opération qui, sur le plan financier, semble assez irréprochable. En terme de prix, d’abord : à 912,5 millions de dollars, il est inférieur à la valeur intrinsèque estimée du portefeuille de Transamerica Re (1,4 milliard de dollars). Pour SCOR, cela signifie un écart d’acquisition négatif, ou « badwill », et la promesse d’une opération améliorant le bénéfice par action de plus de 10 % dès 2011. L’activité reprise dispose en outre d’une profitabilité opérationnelle (de 6 % à 6,5 %) assez proche de la nouvelle norme maison (7,5 %). Enfin, point rassurant pour les analystes, l’acheteur et le vendeur se sont partagé le financement des réserves statutaires (soit un besoin de financement de 900 millions à 1 milliard de dollars). Cerise sur le gâteau, les agences de notation, auprès desquelles l’acquisition a été « prétestée », devraient a priori maintenir la notation du groupe. Financée sur ressources propres (dont une émission de dette hybride de 400 millions de francs suisses opportunément placée en janvier) et par une probable émission de dette de 200 millions d’euros, l’opération ne donnera donc lieu à aucune augmentation de capital, et devrait être compatible avec l’objectif de notation AAA de SCOR. Aegon, de son coté, est en passe d’avoir totalement remboursé à l’Etat néerlandais les aides publiques dont il a bénéficié.