Chez Groupama, assureur mutualiste, l’idée même d’un plan social est inconcevable. Alors, depuis plusieurs semaines, on s’arrange. Une réduction d’effectifs “en douceur” s’opère, que même les syndicats, très attachés aux valeurs de leur entreprise, hésitent à dénoncer. Les départs sont pourtant aujourd’hui largement facilités: “S’il y a des gens qui souhaitent partir, Groupama les y aide”, atteste un syndicaliste, “mais le plan social n’est pas -encore – d’actualité”. Pris dans un crise grave, l’assureur vert a engagé un plan de réduction de coûts de 400 millions d’euros d’ici à 2014 et programmé plusieurs cessions d’activité (Gan Eurocourtage, Groupama Insurances Proama en Pologne ou encore Groupama Private Equity).
Une centaine de départs contraints
Déjà en février, l’Argus de l’assurance avait fait état d’un nombre de départs anormalement élevés. Ce que nous confirment différents salariés qui relèvent une centaine de départs “forcés” depuis le début de l’année, en majorité chez Groupama SA. Les syndicats témoignent aussi de ces dégraissages et pointent des pratiques de cette nature du coté de la filiale Mutuaide Assistance. Parmi les méthodes les plus répandues : ruptures conventionnelles et incitations à la démission (parfois avec un chèque à la clé). Un syndicaliste relève à cet égard l’existence de “pratiques harcelantes” et de licenciements de personnes pendant leurs arrêts de travail. A fin 2010, Groupama SA et ses filiales comptaient 21 857 salariés.
“Silence sur les ondes”
Les syndicats ont alerté la direction des ressources humaines et la direction générale sur cette hémorragie en comité central d’entreprise. Mais “c’est silence sur les ondes. Pour la direction, il faut mettre la poussière sous le tapis. Elle nous certifie qu’il n’y a pas de licenciements pour causes économiques. Mais nous savons qu’il y a bien des ruptures de contrats de travail qui le sont”, déclare la CFDT.
L’objectif de ces pratiques est bien évidemment de ne pas abîmer son image de mutualiste socialement responsable mais aussi et surtout de contourner les obligations auxquelles est soumise une entreprise en cas de plan social. Rappelons que dès le cap des 10 licenciements franchis dans une période de 30 jours, ou de 18 sur une période de trois mois, elle est obligée d’engager un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui est à la fois long à mettre en oeuvre et coûteux.
En plus de ces départs, cinq sites de Gan Assurances réunissant 72 salariés, en majorité peu ou pas mobiles, doivent être fermés d’ici au 31 décembre 2012. Et la cession de Gan Eurocourtage pourrait menacer plusieurs dizaines de postes chez Mutuaide Assistance, à qui Gan Eurocourtage apportait un certain volume d’affaires. “Ce n’est pas un mais plusieurs plans sociaux, touchant différentes entités, que nous redoutons”, déclare un syndicaliste. “Certains n’ont jamais connu de plan social car, dans le cadre de “deals”, la régulation de l’emploi était gérée par des moyens détournés”, explique la CFDT.
Société Générale / Groupama , même combat ?
Cette situation rappelle fortement celle de Société Générale il y a quelques mois, elle aussi en pleine phase de restructuration. Dans la banque au logo rouge et noir, les syndicats n’avaient pas hésité à dénoncer en septembre un “plan social déguisé”, au vu de la recrudescence de départs à l’amiable et de licenciements individuels. Ils relevaient aussi une utilisation abusive de l’article 26 de la convention collective concernant les personnes en situation d’insuffisance professionnelle pour licencier. Résultat, deux mois plus tard : un plan de départs volontaires de 880 personnes en France et de 700 à l’étranger était enclenché…