Purge et réalisme caractérisent le début de mandat de Thierry Martel comme directeur général de Groupama. Finis les rêves de grandeur, place au pragmatisme. Thierry Martel a engagé de nombreux chantiers pour remettre son groupe à flot. Pour autant, toutes ces restructurations suffiront-elles à enrayer la machine ?
Dérisquer le bilan
Première mesure, et non des moindres : Thierry Martel a entamé une réduction de son exposition aux actions. A fin 2011, son portefeuille d’actifs comptait 12.8% d’actions, soit environ 8.6 milliards d’euros. Cette classe d’actifs a occasionné 700 millions d’euros de moins-values latentes en 2011. Outre la cession de certaines lignes, l’assureur a mis en place un dispositif de couverture d’un montant de 1.5 milliard d’euros. Objectif : ramener la poche actions à 5% du portefeuille. “Nous devons avoir désensibiliser 40% de notre portefeuille actions d’ici la fin de l’année. Pour cela, nous devons attendre que des fenêtres s’ouvrent sur les marchés pour vendre certaines lignes stratégiques”, précise Thierry Martel.
400 millions de réductions de coûts d’ici 2014
Le plan de réduction de coûts de 400 millions d’euros à horizon 2014 devrait être tenu. “Nous allons couper dans les dépenses inutiles, réduire les budgets permis dans les périodes de vaches grasses mais pas dans les périodes de vaches maigres, comme le sponsoring sportif ou la publicité. Et nous allons faire la chasse au gaspillage, en particulier dans le domaine informatique”, affirme Thierry Martel. Concernant l’emploi, l’idée de l’assureur est d’utiliser le turn-over naturel du personnel pour stabiliser ou réduire les effectifs.
Des cessions d’actifs
“Nous allons céder un certain nombre de filiales pour sécuriser la marge de solvabilité, et pour nous redonner une marge de manœuvre financière”, annonce Thierry Martel. Ses filiales Gan Eurocourtage, Groupama Insurances (Royaume-Uni), Groupama Private Equity et Proama (Pologne) seront ainsi cédées cette année. Le partenariat avec Casino, réalisé via sa filiale Amaline, sera également arrêté.
Des ventes à prix plancher
Mais ces cessions pourraient bien ne pas régler tous les problèmes. “Un adossement du groupe reste possible. Gan Eurocourtage vaut environ 200 millions d’euros, la filiale au Royaume-Uni quasiment rien et le private equity environ 50 millions d’euros. Ce n’est pas le fait de céder ces activités qui va les sortir du trou”, déclare un analyste financier.
Un autre analyste confirme : “Apparemment, aucun assureur français n’est intéressé par la reprise, il n’y aura donc pas de pression de la part du gouvernement sur le prix d’achat. Gan Eurocourtage sera vendu au prix de marché. C’est pour le vendre à un meilleur prix qu’ils l’ont recapitalisé”. Par ailleurs, la vente de Gan Eurocourtage va priver l’assureur d’un foyer important de rentabilité.
Savoir être opportuniste
Pour Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet Facts & Figures, “c’est assez étonnant de maintenir des activités à perte comme Groupama Banque ou Amaguiz, alors que cela générerait des économies rapides de les céder et que leur rentabilité future est loin d’être acquise”.
D’autres cessions ne sont pas à exclure, notamment à l’international. “Quand on gère un groupe, il faut savoir être opportuniste. Si dans tel ou tel pays mon potentiel financier est meilleur en cédant qu’en gardant, je me poserais la question”, confirme Thierry Martel.
Des “goodwill” au bilan
Groupama conserve cependant des survaleurs potentiellement importantes dans son bilan, liées au coût d’acquisition de ses activités à l’international. Ces “goodwill” s’élevaient à 3.1 milliards d’euros fin 2010, mais seuls 90 millions d’euros ont été dépréciés dans les comptes 2011, pour les filiales grecque et roumaine. “Le vrai problème, c’est qu’il reste encore un montant significatif de survaleurs dans les comptes, liées aux activités à l’international, et un certain nombre de foyers de pertes opérationnelles. Et le problème de cessions supplémentaires à l’international, c’est qu’à chaque fois, Groupama va concrétiser des survaleurs”, estime Cyrille Chartier-Kastler.
Marge de solvabilité fragile
Au final, la marge de solvabilité du groupe ressort à 107% (contre 130% en 2010), juste au-dessus du minimum de 100% requis par les autorités prudentielles. Pourtant, la marge de solvabilité a intégré l’apport des 300 millions d’euros de la Caisse des dépôts. L’assureur vise une marge de solvabilité de 130% à 140% d’ici 2013 ou 2014.
Selon un analyste spécialisé, “avec une marge de 107%, Groupama a juste rempli la mission que l’ACP lui avait donné, mais elle a dû s’améliorer en début d’année avec la remontée des marchés financiers. Malgré tout, Groupama reste très largement sous-capitalisé”.
Une perspective positive se profile tout de même : “Le groupe peut être partiellement sauvé grâce à l’amélioration des marchés financiers”, ajoute Cyrille Chartier-Kastler.