LAURENT THÉVENIN
LE SECTEUR SE PRÉPARE À L’OUVERTURE TOTALE DU MARCHÉ DE L’ASSURANCE-EMPRUNTEUR LE 1 ER JANVIER 2018. SELON LES ESTIMATIONS DE MCKINSEY, ENTRE 600 MILLIONS ET 1,4 MILLIARD D’EUROS DE PRIMES POURRAIENT CHANGER DE MAINS.
C’est un marché aux marges attractives qui est en train de s’ouvrir en grand. D’ici à quelques mois, il sera en effet possible pour tous les consommateurs de changer tous les ans l’assurance de leur crédit immobilier. Adoptée au début du mois par les parlementaires après un feuilleton à rebondissements, cette réforme s’applique déjà aux offres de prêt émises depuis le 22 février 2017. Les personnes concernées pourront ainsi faire jouer cette possibilité à partir de février 2018 au plus tôt, tout en gardant la faculté donnée par la loi Hamon de 2014 de changer d’assurance dans les douze mois suivant l’obtention du prêt. Mais c’est le 1er janvier 2018 que cette disposition va prendre sa pleine mesure, puisque tous les emprunteurs bénéficieront alors de ce droit à substitution annuel. Alors que dans 85 % des cas les ménages ont pris leur assurance-emprunteur auprès de la banque qui leur a accordé le crédit, cette nouvelle règle peut potentiellement changer la donne sur le marché. Assureurs dits « alternatifs » – qui proposent des offres concurrentes aux contrats groupe des banques -, courtiers mais aussi fintech (lire ci-dessous) sont déjà dans les starting-blocks pour profiter de cette opportunité, faisant valoir les économies possibles pour l’emprunteur. Le jeu en vaut la chandelle, au vu des prévisions faites par le cabinet de conseil McKinsey.
Selon ses estimations, entre 600 millions et 1,4 milliard d’euros de primes d’assurance pourraient ainsi changer de mains. Un montant important rapporté au stock de contrats d’assurance-emprunteur susceptible de faire l’objet d’une « délégation » d’assurance en dehors de la banque et chiffré à 4 milliards d’euros par McKinsey pour 2015 (en excluant les crédits arrivant à échéance dans moins de trois ans et les contrats souscrits auprès d’un autre assureur que la banque). Les consultants ont pris l’hypothèse basse d’un taux de renégociation et de délégation de 15 % et une hypothèse haute à 35 %. « Ce sont des hypothèses de travail qui indiquent le potentiel pouvant être capturé par les acteurs qui souhaitent entrer sur le marché de l’assurance-emprunteur ou qui y sont déjà », explique Sandra Sancier-Sultan, directrice associée senior chez McKinsey.
Plus grande segmentation
Si elles n’ont que peu de temps pour se préparer à un possible afflux de délégations à partir de janvier prochain, les banques ne vont sans doute pas se laisser faire. D’autant plus que l’assurance-emprunteur leur apporte des revenus importants et leur permet actuellement de compenser le manque à gagner résultant de la vente de crédits immobiliers à taux très bas. « Dans une stratégie défensive, les banques peuvent actionner plusieurs leviers. Certaines ont déjà lancé des offres individuelles à côté de leurs contrats groupes. Plusieurs d’entre elles sont en train d’introduire des éléments nouveaux dans leur tarification, par exemple en rebasculant leurs contrats sur du capital restant dû comme les offres alternatives des assureurs », indique Sandra Sancier-Sultan. « On peut aussi imaginer qu’elles partent elles-mêmes à l’offensive et arrivent même à prendre des parts de marché », ajoute-t-elle. Dans tous les cas, des changements profonds sont à attendre. « Il va y avoir un accroissement de la concurrence sur les clients à bons profils, et donc une plus grande segmentation des offres. », anticipe Sandra Sancier-Sultan. « Il y a eu un début de baisse des prix depuis deux, trois ans qui pourrait s’accélérer pour certains profils de clients», avance-t-elle.
Changer de contrat, mode d’emploi
Depuis la loi Lagarde de 2010, l’emprunteur peut opter pour l’assurance de son choix au moment de la souscription du crédit immobilier si le contrat
alternatif qu’il présente à sa banque offre des garanties « au moins équivalentes ».
Avec la loi Hamon de 2014, les emprunteurs peuvent changer de contrat d’assurance dans l’année suivant l’obtention du prêt, à condition d’en présenter un offrant des niveaux de garantie équivalents à celui de la banque.
Les parlementaires viennent de voter le droit à la substitution annuel. Il est déjà valable pour les offres de prêt émises à partir du 22 février 2017. Il s’appliquera à tout le stock à partir de 2018.
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