LAURENT THÉVENIN
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A VALIDÉ LA POSSIBILITÉ OUVERTE AUX CONSOMMATEURS DE CHANGER CHAQUE ANNÉE DE CONTRAT D’ASSURANCE-EMPRUNTEUR.
La donne va bel et bien changer sur le marché de l’assurance-emprunteur. Dans une décision rendue vendredi, le Conseil constitutionnel a validé la possibilité, pour tous les consommateurs, de changer chaque année leur contrat d’assurance-emprunteur.
Déjà valable pour les offres de prêt émises depuis le 22 février 2017, cette mesure s’appliquera également bien, à compter du 1er janvier 2018, à tous les crédits immobiliers en cours, comme l’avait prévu l’amendement Bourquin. La Fédération bancaire française (FBF) contestait la rétroactivité de cette mesure sur le stock de contrats. A la suite de sa saisine, le Conseil d’Etat avait soulevé l’an dernier
une question prioritaire de constitutionnalité
.
« En appliquant ce droit de résiliation aux contrats en cours, [le législateur] a voulu, compte tenu de la longue durée de ces contrats, que cette réforme puisse profiter au grand nombre des emprunteurs ayant déjà conclu un contrat d’assurance collectif [les contrats ‘groupe’ vendus par les banques en même temps que le crédit, NDLR]. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général », a justifié le Conseil constitutionnel dans un communiqué.
Que change la décision du Conseil constitutionnel ?
Elle marque l’aboutissement d’une lente libéralisation de ce marché. Celle-ci avait commencé avec la loi Lagarde de 2010, permettant à l’emprunteur de prendre l’assurance de son choix au moment de la souscription du crédit immobilier à condition de présenter des garanties équivalentes à celui du contrat « groupe ». La loi Hamon de 2014 avait introduit la possibilité de changer de contrat d’assurance dans l’année suivant la signature de l’offre de prêt.
La décision du Conseil constitutionnel ouvre en grand un marché pesant 6,5 milliards d’euros de cotisations en 2016, très convoité car très rentable. Celui-ci est encore dominé de la tête et des épaules par les banques face aux assureurs dits « alternatifs ».
En 2016, leurs contrats « groupe » représentaient 85 % des cotisations totales
, selon les données de la Fédération française de l’assurance.
Qui va en profiter ?
Les assureurs, les mutuelles, les institutions de prévoyance, les courtiers ainsi que des
fintech spécialisées en assurance-emprunteur
se frottent les mains. « Nous sommes en configuration pour commencer à démarcher nos sociétaires dès lundi. Ce sera une vraie bataille commerciale », explique Thierry Derez, le PDG de Covéa (GMF, MAAF, MMA). « Ce qui nous semble essentiel, c’est d’accompagner le client dans la procédure de changement et de le décharger de toutes les tâches administratives », souligne Sylvain Coriat, membre du comité exécutif d’Allianz France.
Les concurrents des bancassureurs vont pouvoir attaquer le stock d’assurés ayant pris un contrat « groupe », en leur faisant miroiter
de substantielles économies
. « Sur la base des tarifications actuelles, nous sommes capables en moyenne de faire économiser 600 euros par an en moyenne sur le coût de l’assurance », avance Pascal Demurger, le directeur général de la Maif, qui ne donne pas d’objectifs commerciaux. La cible des 30-45 ans – un bon risque – aiguise évidemment toutes les convoitises. « Mais la grande majorité des emprunteurs, et pas seulement les bons risques, ont intérêt à changer d’assurance », affirme Sylvain Coriat, indiquant qu’Allianz France (600.000 contrats en portefeuille) espère doubler sa part de marché d’ici quatre ou cinq ans.
Comment les banques vont-elles réagir ?
La compétition s’annonce acharnée
car les banques ne vont pas se laisser prendre des affaires sans réagir. L’enjeu est en effet crucial pour elles. Alors qu’elles vendent aujourd’hui le crédit immobilier à des taux très bas, elles se rattrapent sur l’assurance-emprunteur, qui leur procure des commissions rondelettes. « Les banques françaises restent attachées au principe de mutualisation qui offre un accès au crédit le plus large possible », a réagi la FBF, qui « prend acte » de la décision du Conseil constitutionnel. Beaucoup d’entre elles utilisent déjà toutefois des mécanismes de dérogation tarifaire dans leurs contrats « groupe » pour être plus attractives auprès des jeunes. « Nous allons faire des ristournes ou proposer des couvertures gratuites », indique un bancassureur. Certaines vont aussi répliquer avec leurs propres offres alternatives ou passer à une tarification sur le capital restant dû pour se caler sur les contrats alternatifs.
« Nous allons être attentifs à ce que la substitution puisse s’effectuer sans mauvaise volonté ni pratiques dolosives des banques. Le cas échéant, nous sommes prêts à accompagner nos clients dans des démarches contentieuses », prévient Sylvain Coriat.
Changement, mode d’emploi
Pendant l’année qui suit la signature de l’offre de prêt, il est possible de changer de contrat à tout moment, à garanties équivalentes.
Tous les contrats peuvent désormais faire l’objet d’une résiliation annuelleà chaque date anniversaire. L’assuré devra envoyer sa demande de résiliation au moins deux mois avant la date d’échéance.
Le nouveau contrat devra offrir des garanties équivalentes à celles du contrat en cours.
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