SHARON WAJSBROT
L’INQUIÉTUDE EST VIVE DANS LES BANQUES DEPUIS QUE LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A VALIDÉ LA POSSIBILITÉ DE CHANGER DE CONTRAT D’ASSURANCE-EMPRUNTEUR CHAQUE ANNÉE. LES COMPTES DES BANQUES FRANÇAISES RISQUENT D’ÊTRE IMPACTÉS DÈS 2018.
Le
big bang de l’assurance-emprunteur aura bien lieu
et il risque de plomber les comptes des banques françaises dès 2018. Après la loi Macron qui a instauré l’obligation pour les établissements de faciliter le changement de banque de leurs clients, puis les fortes vagues de renégociations de crédit immobilier, les banques font face à une troisième menace sur leurs revenus : l’ouverture massive à la concurrence du marché de l’assurance-emprunteur.
Début janvier, le Conseil constitutionnel a en effet validé la possibilité pour les clients de changer de contrat chaque année. L’enjeu est majeur pour les banques françaises, qui vendent leur crédit à des taux très bas et se rattrapent sur ce produit d’assurance aux marges confortables. Pour les leaders du secteur, l’assurance-emprunteur représente plus de 10 % du produit net bancaire de leur banque de détail. Selon une étude réalisée par Accenture, 2 milliards d’euros de primes sont en risque, soit près de 1 milliard de produit net bancaire…
Un tiers des clients concernés
« Les clients en bonne santé, âgés de moins de 40 ans,
appartenant au segment patrimonial
et qui ont un capital important à assurer sont les plus susceptibles de changer d’assureur. Ces derniers représentent un tiers du marché capté par les banques. Pour eux, le gain de pouvoir d’achat moyen serait de 10 euros par mois. Dans la téléphonie, c’est un gain non négligeable… », remarque Fabrice Gardette, responsable de l’assurance chez Accenture. Il ne s’attend toutefois pas à un raz-de-marée : « Les banques sauront probablement faire le nécessaire pour conserver leurs clients les plus précieux, voire, pourquoi pas, pour transformer ces contacts clients en opportunités d’équipement. »
Si les banques veulent tant se battre, c’est bien sûr que le départ de clients stratégiques serait synonyme de perte de revenus. Mais c’est aussi pour éviter une dégradation du risque sur le portefeuille de contrats d’assurance-emprunteur groupe des établissements. Selon les données d’Accenture, près de 25 % des clients des banques ne pourront pas renégocier
leur assurance-emprunteur
: considérés comme trop risqués ou/et trop âgés, ils verraient le coût de leur couverture augmenter…
Chute des prix
Pour décourager les départs des clients les plus intéressants à leurs yeux, les banques vont devoir se mobiliser : consentir des gestes commerciaux, moduler les garanties et les services, et améliorer leur expérience client. Autant d’améliorations coûteuses qui vont à leur tour dégrader la rentabilité du marché. « On risque d’avoir une année 2018 très virulente sur les prix. La croissance des volumes va se poursuivre, mais, pour les banques, le marché de l’assurance-emprunteur devrait stagner et se dégrader en rentabilité », confirme Fabrice Gardette.
Ces dernières années, du fait des réglementations successives qui ont progressivement ouvert le marché, les prix ont déjà chuté de 2 à 3 % par an, en moyenne. Pointant dans une note les risques de l’ouverture du marché pour le secteur bancaire français, l’agence Standard & Poor’s se montre toutefois prudente. « Nous ne prenons aucune décision de notation pour le moment vis-à-vis des bancassureurs », indique S&P, estimant que le danger que présente cette réforme demeure pour l’instant dilué, l’activité des banques étant très diversifiée.
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