OLIVIER TOSSERICORRESPONDANT À ROME AVEC A. D.

LA BANQUE ENVISAGERAIT UNE OFFRE PAR ÉCHANGE DE TITRES SUR LA MAJORITÉ DU CAPITAL DE L’ASSUREUR DE TRIESTE. L’INDÉPENDANCE ET L’ITALIANITÉ DE GENERALI FONT L’OBJET DE L’ATTENTION INQUIÈTE DE L’ESTABLISHMENT TRANSALPIN.
Grandes manoeuvres en vue autour de Generali. Depuis le week-end dernier, des informations de presse faisaient état de l’intérêt d’Intesa Sanpaolo pour le premier assureur italien. La banque italienne a confirmé mardi soir qu’elle « examine attentivement et examinera toute possibilité de renforcer sa position et sa performance (…) y compris d’éventuelles combinaisons sectorielles avec Generali ». Elle a aussi rappelé qu’elle souhaitait croître « dans les domaines de la gestion d’actifs, la banque privée et l’assurance, y compris par le biais de partenariats internationaux. »

Intesa Sanpaolo envisagerait une offre d’achat, avançait mardi « La Repubblica ». Selon le quotidien transalpin, le projet consisterait en une offre par échange de titres sur la majorité du capital de Generali, dont la capitalisation boursière avoisine 24 milliards d’euros, soit plus d’un tiers de moins que la banque milanaise. Le cours du « Lion de Trieste » a fini en hausse de 8,21 % mardi.

Intesa Sanpaolo, l’un des quatre derniers grands pôles financiers de la péninsule avec UniCredit, UnipolSai et Generali, pourrait ainsi déclencher la création d’un poids lourd italien de la bancassurance capable de rivaliser au niveau européen. Un projet plus industriel que financier même s’il permettrait à Intesa d’entreprendre une réorganisation globale et de vendre certains actifs. Quelle que soit sa nature, il serait appuyé par les deux principales fondations actionnaires d’Intesa, Compagnia di San Paolo et Fondazione Cariplo, d’après des déclarations faites mardi à l’agence Reuters par des sources ayant requis l’anonymat.

La meilleure défense étant l’attaque, la compagnie d’assurances basée à Trieste avait, pour préserver son indépendance, acquis lundi les droits de vote de 505 millions d’actions Intesa Sanpaolo, équivalant à 3,01 % du capital de l’institut de crédit (« Les Echos » de lundi). Une manoeuvre pour utiliser au mieux la réglementation italienne sur les participations croisées. Celle-ci interdit à une société de détenir plus de 3 % des droits de vote d’une autre entité si cette dernière a déjà une participation de plus de 3 % dans son capital. D’après cette réglementation, ces limitations ne s’appliqueraient néanmoins pas si Intesa Sanpaolo lançait une offre sur au moins 60 % du capital de Generali. La banque, qui réunira ce vendredi un conseil d’administration – avec jusqu’à présent à l’ordre du jour l’étude de son budget 2017 – devra clarifier ses intentions.

L’autre point à éclaircir sera le rôle que jouera Mediobanca, premier actionnaire de Generali. La banque d’affaires milanaise souhaiterait réduire sa participation. Si elle cédait aux pressions du marché pour vendre ses 13 %, le dernier actionnaire de référence italien de Generali disparaîtrait. De quoi nourrir les rumeurs d’une prise de contrôle progressive par AXA, qui devrait alors céder la partie française de Generali. Laquelle pourrait intéresser Allianz.

Syndrome d’encerclement
Un scénario qui risque de relancer les craintes de l’establishment politico-financier transalpin souffrant d’un syndrome d’encerclement de la part des cousins français. D’où l’intérêt de l’offre d’Intesa : après Telecom Italia et les menées agressives de Vincent Bolloré sur Mediaset, le gouvernement italien ne peut se permettre de perdre un nouvel actif qu’il juge stratégique. Generali détient en effet pour 70 milliards d’euros d’obligations d’Etat (plus de 88 milliards d’euros pour Intesa fin 2015) et se trouve impliqué dans toutes les opérations de premier plan pour l’économie du pays, du sauvetage d’Alitalia aux participations aux différents fonds de soutien au système bancaire. Le groupe de Trieste tiendra un conseil d’administration ce mercredi qui aura tous les airs d’une veillées d’armes. Philippe Donnet, le directeur général, renforcera son commandement sur Generali avec le départ de son directeur financier, Alberto Minali.

Pourquoi l’assureur transalpin attire autant
LAURENT THÉVENIN

AU CENTRE DE TOUTES LES SPÉCULATIONS DEPUIS PLUSIEURS MOIS, GENERALI PRÉSENTE LE PROFIL D’UNE CIBLE IDÉALE.
Le coup pourrait partir. Mais pas de là où on l’attendait… Depuis plusieurs mois, Generali était au centre de toutes les spéculations. Un possible rapprochement entre le premier assureur italien et son concurrent AXA est d’abord revenu sur le tapis. La presse a aussi évoqué un intérêt de l’assureur allemand Allianz pour ses activités françaises. Mais c’est finalement un acteur inattendu, la banque italienne Intesa Sanpaolo, qui envisagerait de s’emparer du groupe de Trieste via une offre par échange de titres.

Si tous les projecteurs convergent vers Generali, c’est qu’il offre, à bien des égards, le profil d’une cible idéale. « C’est une proie parce qu’il n’est pas bien valorisé en Bourse », explique d’abord un analyste. De fait, son titre – qui s’est certes fortement apprécié ces deux derniers jours suite aux informations parues dans la presse italienne sur un possible intérêt d’Intesa – cote en dessous de ses grands concurrents. Le fait que son actionnaire de référence, la banque d’affaires milanaise Mediobanca, ait annoncé son intention de réduire sa participation peut aussi ouvrir les appétits. D’autant, comme le fait remarquer un autre analyste, qu’« il n’y a pas beaucoup de cibles en Europe » pour les acteurs à l’affût d’acquisitions dans l’assurance.

Generali se présente par ailleurs sous un jour beaucoup plus favorable qu’il y a quelques années. Après avoir fait l’objet d’une reprise en main énergique en 2012 par Mario Greco, depuis parti chez Zurich Insurance Group, l’assureur italien s’est remis en selle. Il est aujourd’hui engagé dans « une phase de redressement industriel » (« Les Echos » du 24 novembre 2016). Dans les années à venir, son nouveau directeur général, le Français Philippe Donnet, veut notamment sortir de plusieurs marchés jugés peu attractifs et gagner encore en rentabilité.

Perplexité
Il n’en reste pas moins que les schémas évoqués pour l’heure laissent perplexes plus d’un observateur. Vu la taille de Generali (74 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2015), toute opération avec un autre groupe financier d’envergure, a fortiori italien, soulèvera des questions sur le plan anticoncurrentiel. Intesa et Generali sont ainsi déjà deux des plus grands assureurs-vie en Italie. « Quel intérêt aurait Intesa à vouloir faire un modèle de bancassurance intégrée ? Ces modèles ont volé en éclats avec la crise financière, comme on l’a vu avec ING ou Fortis », estime par ailleurs un analyste.
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