Depuis la fin de l’année dernière, les grands assureurs-vie du Japon retirent l’un après l’autre de leurs prospectus plusieurs de leurs produits d’épargne vedettes. « Quelques groupes ont enclenché le mouvement et tous les autres se posent maintenant la question », explique Teruki Morinaga, l’analyste chargé de l’assurance chez Fitch Ratings à Tokyo.
Après avoir tenté pendant des années de sauvegarder ces offres malgré leur marge financière négative, l’ensemble de l’industrie semble convaincue qu’elle n’aura plus les moyens, au moins à court terme, de garantir les taux d’intérêt promis à ses clients. « Les rendements des bons du Trésor japonais sont beaucoup trop bas », résume l’expert. Et « il n’y a aucune chance de les voir remonter bientôt », admettait, dépité, il y a quelques jours, Yoshinobu Tsutsui, le PDG de Nippon Life, l’un des grands acteurs du secteur.
Or son groupe, comme les autres géants Dai-ichi Life ou Japan Post, compte normalement sur ses placements sur le marché obligataire domestique pour financer les taux de rémunération inscrits dans les contrats. Mais le gonflement, depuis novembre dernier, du programme d’assouplissement quantitatif de la Banque du Japon a bouleversé cette équation. L’institution, qui absorbe désormais, chaque mois, la quasi-totalité de la dette émise par l’Etat japonais, a fait plonger les rendements à des niveaux insoutenables pour les investisseurs.
Mardi dernier, pendant quelques heures, les obligations à 5 ans ont offert, pour la première fois dans l’histoire du pays, des rendements négatifs. Les rendements sur les titres souverains à 20 ans, privilégiés par les assureurs, sont eux inférieurs à 0,90 %, soit très en deçà des taux d’environ 1,2 % ou 1,3 % garantis à leurs clients. Les « spreads » négatifs des assureurs ne cessent d’enfler. « La chute de rendement de ces nouveaux investissements va automatiquement entraîner un déclin de leurs revenus », insiste Masao Muraki, un analyste de Deutsche Securities, dans une note.
Pour compenser ce déséquilibre, les groupes accélèrent leurs investissements dans des titres étrangers. Selon le ministère des Finances, les assureurs japonais ont ainsi vu leurs portefeuilles d’obligations souveraines étrangères enregistrer un gain net de 30 milliards de dollars sur les six premiers mois de l’année fiscale, qui a débuté en avril dernier. Le gouvernement, qui mesure ces flux depuis 2005, n’avait jamais enregistré un tel bond. « Actuellement, ces obligations étrangères comptent pour près de 25 % dans les volumes d’actifs détenus par les assureurs japonais. Il y a quatre ans, nous étions à moins de 20 % », estime Teruki Morinaga, qui note un appétit très concentré sur les bons du Trésor américain et un intérêt plus limité pour les titres allemands ou australiens.
Cette quête de rendement devrait se poursuivre malgré la baisse des taux offerts aux Etats-Unis. « Les groupes japonais profitent d’un double effet positif », rappelle l’analyste de Fitch Ratings. Ils jouissent de taux supérieurs à ceux offerts dans l’Archipel et ils bénéficient aussi de la dépréciation continue du yen face au dollar, qui gonfle automatiquement la taille de leurs rendements réalisés à l’étranger.