Entre une succession sans fin de catastrophes naturelles et la crise de la zone euro, qui a considérablement bouché l’horizon économique et financier, le secteur de l’assurance a connu un exercice 2011 compliqué sur tous les fronts.
Au premier semestre 2011, le Lloyd’s, le grand marché britannique de l’assurance, avait subi une perte de 697 millions de livres (834 millions d’euros). Dans l’attente de la publication des résultats annuels le 28 mars, Richard Ward, son directeur général, affirme aux « Echos » que l’institution a su démontrer sa résilience.
Les catastrophes naturelles ont coûté plus de 100 milliards de dollars aux assureurs en 2011. A quelle hauteur ont-elles touché le marché du Lloyd’s ?
Nous ne sommes pas capables de donner de chiffre définitif pour l’instant. A ce jour, c’est la deuxième année la plus coûteuse de tous les temps pour le Lloyd’s après 2005. Quand nous connaîtrons précisément le coût des inondations en Thaïlande auxquelles nous sommes très exposées, l’année pourrait même battre tous les records. On sait déjà que cette catastrophe va coûter 770 millions de livres à l’un de nos membres, Syndicate 1880, qui est le réassureur de Tokio Marine.
Malgré cela, personne n’a jamais questionné notre solidité financière ou notre capacité à régler les sinistres. Nous avons suffisamment de capital pour faire face, par exemple, à un tremblement de terre de 60 milliards de dollars au Japon. Notre notation et sa perspective ont été confirmées par les trois agences qui nous suivent (Standard & Poor’s, Fitch et AM Best). Le marché du Lloyd’s est là pour accepter des risques, sachant que tout peut toujours arriver et que nous vivons dans un monde risqué.
Plus risqué qu’avant ?
Ce qui s’est produit en 2011 était tout à fait inhabituel. Nous avons quand même eu la même année des inondations en Australie et en Thaïlande, le tremblement de terre à Christchurch, la catastrophe du Japon, plus les tornades aux Etats-Unis et l’ouragan Irene. L’année 2011 a en revanche montré la nécessité d’être capable de mesurer son exposition agrégée aux différents risques. Prenez les inondations en Thaïlande, par exemple. Personne ne les avait modélisées. Or, elles ont submergé une ville de la taille de Birmingham où des entreprises japonaises d’électronique avaient installé leurs usines pour produire à bas coûts. Cela a touché toute une industrie au final. Avec la Thaïlande et le Japon, les assureurs ont également pris conscience des conséquences d’une interruption de la « supply chain ».
Combien va vous coûter le naufrage du « Costa Concordia » ?
Nos membres n’ont pas encore communiqué de chiffres sur ce sinistre. Mais nous serons touchés en tant qu’assureurs du bateau et aussi à travers les P&I [les mutuelles d’armateurs qui couvrent la responsabilité civile de l’armateur, NDLR].
Comment jugez-vous le niveau actuel des prix de l’assurance ?
C’est la grande déception de 2011. Malgré toutes ces catastrophes, les prix n’ont pas augmenté globalement. Il y a évidemment eu des hausses tarifaires en Thaïlande, au Japon, en Nouvelle-Zélande et un peu aux Etats-Unis après les tornades du printemps. Mais, comme les assureurs ont toujours un surplus de capital, il n’y a pas encore eu le durcissement généralisé du marché qui serait souhaitable. Les coûts de certains risques, en particulier pour les assurances de responsabilité (« casualty »), ne sont pas toujours tarifés à leur juste prix. C’est très gênant pour les risques à déroulement long, surtout s’il y a un retour de l’inflation. En comparaison, la réassurance est aujourd’hui mieux tarifée.
Comment avez-vous réagi à la crise des dettes souveraines ?
Nous n’avons quasiment plus de dettes souveraines des pays périphériques. Et, de manière générale, nous avons limité significativement notre exposition à l’Eurozone en 2011 et aux institutions financières. Notre gestion d’actifs est très conservatrice. Nous avons un tiers de notre portefeuille en obligations d’entreprise, un tiers en titres d’Etat, un autre tiers en cash et moins de 5 % d’actions. Cela nous procure un rendement correct, tout en nous mettant à l’abri de pertes spectaculaires. Comme il est très difficile de dégager des revenus financiers importants, il faut absolument se concentrer sur les prix. Nous conservons par ailleurs des liquidités pour pouvoir payer les sinistres.
Quels sont les grands enjeux de l’année 2012 ?
L’un des sujets porte évidemment sur l’environnement de notation. Dans ce contexte et sur un marché stable, il est encore plus important de bien souscrire au bon prix. Nous le répétons sans cesse aux syndicats du Lloyd’s.
Etes-vous prêt pour les futures normes de Solvabilité II ?
Oui. Nous avons soumis pour approbation notre modèle interne à la Financial Services Authority [le régulateur britannique du secteur financier]. Ce qui nous frustre, c’est que la Commission ait repoussé l’entrée en vigueur de Solvabilité II. Nous avons déjà passé beaucoup de temps et dépensé plus de 300 millions de livres sur ce projet.
Vous avez depuis 2010 une licence d’assurance directe en Chine. Quels sont vos objectifs ?
La Chine est un marché très compétitif. Mais nous allons y aller lentement. Il serait très facile d’y souscrire beaucoup d’affaires peu rentables. Il est plus difficile de gagner de l’argent.
Où en êtes-vous en France ?
C’est un très beau marché et notre deuxième pays en termes de chiffres d’affaires (un peu plus de 540 millions d’euros) en Europe après le Royaume-Uni. Il y a en particulier de très bonnes opportunités en région. Nous voulons donc nous rapprocher des courtiers dans les grandes villes, à Lyon, Bordeaux, Toulouse ou Marseille, en particulier, alors que notre business est encore trop centré sur Paris. Nous voulons également faire davantage de réassurance. Mais il nous reste encore un gros travail de communication à faire. Nous sommes installés en France depuis 1947, mais nous devons encore accroître notre notoriété et expliquer l’intérêt du marché du Lloyd’s.